"L'industrie des loisirs est confrontée à des appétits
gargantuesques, et puisque la consommation fait disparaître ses marchandises,
elle doit sans cesse fournir de nouveaux articles. Dans cette situation, ceux
qui produisent pour les mass media pillent le domaine entier de la culture
passée et présente, dans l'espoir de trouver un matériau approprié. Ce
matériau, qui plus est, ne peut être présenté tel quel; il faut le modifier
pour qu'il devienne loisir, il faut le préparer pour qu'il soit facile à
consommer.
La culture de masse apparaît quand la société de masse se
saisit des objets culturels, et son danger est que le processus vital de la
société (qui, comme tout processus biologique attire insatiablement tout ce qui
est accessible dans le cycle de son métabolisme) consommera littéralement les
objets culturels, les engloutira et les détruira. je ne fais pas allusion, bien
sûr, à la diffusion de masse. Quand les livres ou reproductions sont jetés sur
le marché à bas prix, et sont vendus en nombre considérable, cela n'atteint pas
la nature des oeuvres en question. Mais leur nature est atteinte quand ces
objets eux-mêmes sont modifiés - réécrits, condensés, digérés, réduits à l'état
de pacotille pour la reproduction ou la mise en images. Cela ne veut pas dire
que la culture se répande dans les masses, mais que la culture se trouve
détruite pour engendrer le loisir. [...] Bien des grands auteurs du passé ont
survécu à des siècles d'oubli et d'abandon, mais c'est encore une question
pendante de savoir s'ils seront capables de survivre à une version
divertissante de ce qu'ils ont à dire."
ARENDT, Hanna. La Crise de la culture, trad. P. Lévy, Folio, Gallimard, p.
270-271. Disponível em <http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/logphil/textes/textesm/arendt2.htm>. Acesso em: 25/01/2016.
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