La notion de capital culturel a été construite pour rendre compte de l'inégalité des performances scolaires, en mettant d'emblée l'accent sur l'inégale distribution entre les classes des instruments nécessaires à l'appropriation des biens culturels (e.g. oeuvres d'art). Les propriétés du capital culturel existant à l'état incorporé, i.e. intériorisé sous forme de disposition permanente et durable (habitus), sont pratiquement réductibles au fait qu'il s'agit d'une forme de capital identifié aux individus : son accumulation demande du temps, bien social difficile à s'approprier par procuration; il demande un investissement personnel; son accumulation est limitée par les limites biologiques de son support, etc. Ces propriétés spécifiques qui, étant perçues comme liées à la personne, ajoutent aux avantages de l'héritage les apparences de l'inné et les vertus de l'acquis, et font du capital culturel incorporé le moyen de transmission légitime par excellence du patrimoine lorsque les formes directes et visibles de transmission tendent à être socialement considérées comme illégitimes. Les biens culturels (livres, tableaux, machines), capital culturel à l'état objectivé, sont transmissibles instantanément et appropriables formellement dans leur matérialité, mais les conditions de leur appropriation spécifique sont soumises aux mêmes lois de transmission que le capital culturel à l'état incorporé. Le capital culturel peut exister enfin sous la forme institutionnalisée de titres scolaires, qui, comme la monnaie, sont relativement indépendants par rapport au porteur du titre. Cette forme certifiée et garantie du capital culturel permet de poser le problème des fonctions sociales du système d'enseignement et d'appréhender pratiquement les relations qu'il entretient avec le système économique.
BOURDIEU, Pierre. Les trois états du capital culturel. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 30, novembre 1979. pp. 3-6
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